CANADA
Guide pour le personnel de la salle de classe ordinaire
par Annie Gagné Enseignante itinérante pour les élèves ayant un TSA Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario -2010
SUÈDE
Voici l'info telle que publiée par Wikipedia :
Le gouvernement suédois, via le "NationalBoard of Health and Welfare" vient de décider de supprimer tout recours aux traitements d'orientation psychodynamique dans le traitement de l'autisme. Cette mesure qui ne s'étend pour le moment qu'au secteur public devrait se généraliser à toutes les autres pathologies mentales et gagner rapidement le secteur privé.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Psychanalyse_dans_le_monde#Psychanalyse_en_Su.C
Et voici le début du commentaire qu’en fait Patrice Van den Reysen dans son blog :
« Des nouvelles fraîches du front chers récalcitrants éclairés ! Nos amissuédois réagissent et s’organisent. Le « National Board of Health and Welfare » a tout récemment décidé que les thérapies psychodynamiques devaient disparaître des cliniques et hôpitaux du secteur public…
Une cible privilégiée à ce cataclysme : le traitement de l’autisme où, d’unjour à l’autre, le traitement par la psychanalyse disparaîtra totalement.
Tout cela permet l’émergence d’une nouvelle génération de thérapiesefficaces et le rejet de la psychanalyse aux oubliettes de l’histoire de la santé publique de ce grand pays qu’est la Suède.
Espérons une réaction en chaîne qui ferait exploser tout le reste del’édifice freudien, ou ce qu’il en reste, de part le monde, et surtout chez nous, bien sûr. »
Il s'agit donc d'un véritable coup dur pour la psychanalyse. Surtout venant de la ô combien démocratique et progressiste Suède. Car les psychanalystes ont toujours clamé, urbi et orbi, que seules les dictatures interdisaient la « libératrice » psychanalyse (ce qui est, bien sûr, historiquement faux). Un coup dur aussi car nous savons tous que les pays nordiques sont toujours en avance, montrent souvent la voie. Ce n’est qu’une affaire de temps. Le mur de Berlin a bien fini par tomber. La maison Freud peut-elle résister indéfiniment, même en France ?
Per Magnus Johansson
26 juin 2004. Maison de la Chimie, 28 Rue Saint Dominique, 75007 Paris
Hier soir René Major m’a demandé de vous dire quelques mots en francais sur la législation de la psychanalyse en Suède. J’espère donc que vous serez indulgents sur la forme de ce petit texte préparé à la dernière minute.
Il faut d’abord constater que depuis la fondation de la société psychanalytique finno-suédoise en 1934 la principale préoccupation des psychanalystes suédois a été d’être suffisamment reconnus . Souvent ils ont l’impression d’avoir été contrecarrés. Dans les années 40 et 50 les psychanalystes non médecins craignaient d’être considérés comme des escrocs. Ce qui a été le cas, comme nous le savons, dans plusieurs autres pays. Ils ont donc créé au sein d’IPA des comités qui faisaient du lobbying auprès de l’état afin d’être reconnus comme les médecins qui pratiquaient la psychanalyse. Leur tentative a échoué. On peut aussi ajouter que les médecins psychanalystes ont été critiqués par leurs collègues médecins. Et eux-mêmes se sont senti mal vus.
Dans les années 60, les médecins et psychologues, soucieux d’effacer les conflits existant entre eux, ont essayé de faire créer un diplôme spécial pour les psychanalystes. Tous ceux qui suivraient la formation d’IPA auraient obtenu ce diplôme. Autrement dit, IPA aurait formé des psychanalystes d’état. Mais le ministre de l’Education et les représentants des universités ont refusé cette idée et cette démarche n’a pas abouti non plus. Les adeptes d’Adler, de Jung et de Carl Rogers étaient également hostiles à cette démarche. Les freudiens ne sont pas les seuls sérieux, disaient ils, les psychothérapeutes dynamiques le sont également.
Je précise que dans les années 60 Lacan était encore inconnu en Suède bien que ce soit à Stockholm qu’il ait été exclu de la liste des analystes didacticiens d’IPA en 1963.
Dans les années 70 et 80, un psychanalyste d’IPA, Carl Lesche (1920-1993) a souligné avec insistance les différences entre la psychothérapie et la psychanalyse :
- en psychanalyse, on analyse le transfert, contrairement à la psychothérapie qui le laisse inanalysé.
- en psychanalyse, on travaille pour comprendre la vérité subjective d’un analysant, alors que le psychothérapeute travaille pour que le patient soit guéri et adapté à la société.
Enfin Carl Lesche souligna que l’inconscient occupe une place plus radicale et déterminante pour les psychanalystes que pour les psychotérapeutes. En soulignant ces différences, Carl Lesche a initié une violente polémique qui a été à la source de nombreux conflits dans les années 70 et 80. Les membres de la Société Psychanalytique Suédoise, qui font partie d’IPA, ont depuis longtemps un sujet de discorde : comment reconnaître un vrai psychanalyste d’un pseudopsychanalyste, c’est-à-dire un psychiatre ou psychologue qui, sans travailler comme psychanalyste, en utilise le titre lorsque cela le sert. Cette discorde a eu pour conséquence un sight visiting d’IPA international pour débloquer la situation. Les psychanalystes d’IPA se sont intéressés aux questions politiques au lieu de s’intéresser aux questions scientifiques, selon les responsables d’IPA .
L’état suédois ne s’intéresse pas autant à la psychanalyse que les psychanalystes l’imaginent. En 1979, à l’instigation des psychologues, universitaires, l’Etat a décidé de créer une légitimation pour les psychologues, ce qui n’a pas trop dérangé les psychanalystes parce que cette légitimation ne permet pas de travailler comme clinicien. Par contre, 6 ans plus tard, en 1985, lorsque l’Etat institue un diplôme permettant aux psychothérapeutes, psychologues et psychiatres de travailler comme clinicien, la situation se complique. La psychanalyse n’étant pas très critiquée à l’époque, les psychanalystes ne se sont pas au début intéressés à ce diplôme de psychothérapeute. Précisons qu’à l’époque ils avaient assez de patients. Même plus qu’assez. Mais par la suite, la critique à l’égard de la psychanalyse et de Freud s’est faite plus violente et être reconnu comme psychothérapeute par l’Etat est devenu de plus en plus important pour les psychoanalystes. Leur situation est devenue plus difficile et plus précaire.
Petit à petit les psychanalystes ont donc cédé aux exigences de l’Etat et la majorité des psychanalystes d’IPA a donc cédé aux exigences de l’Etat et accepté de transformer leur formation analytique pour qu’elle réponde aux critères de l’état. Aujourd’hui ils ont 2 formations : une formation de 3 ans pour devenir psychothérapeute et puis 1 an de plus pour devenir psychanalyste.
Les psychanalystes suédois pensent qu’une formation qui n’aboutit pas à un diplôme de psychothérapeute reconnu par l’état n’intéresse pas beaucoup de jeunes psychologues et encore moins de jeunes médecins. Et en effet l’intérêt pour la formation analytique a diminué.
Les psychanalystes qui ont critiqué violemment et avec mépris la psychiatrie, la psychothérapie et la psychologie sont donc obligés aujourd’hui, soit de ne pas participer à la formation actuelle, soit de réécrire leur histoire.
La psychanalyse suédoise, du fait de cette situation, trouve très peu d’appui dans la philosophie, la littérature ou la culture en général. La psychanalyse est critiquée par les féministes, les cognitivistes, par les gens qui s’identifient à la Science et par la political correctness.
En conclusion je dirai que la solitude nécessaire à la pratique de la psychanalyse est pour l’instant insupportable pour les psychanalystes suédois. Les psychanalystes en général ont donc accepté la législation suédoise actuellement en vigueur. Il y a chez eux un espoir qu’ils vont trouver une place protégée par l’état, par l’université, par la sécurité sociale et par l’éthique de l’état. (ordre des médecins et comité d’éthique des psychologues).
Je voudrais finalement souligner deux faits, le premier lié au passé. Quand j’ai écrit mon livre sur l’histoire de la psychanalyse en Suède, j’ai interviewé 25 psychanalystes nés entre 1910 et 1930. Tous ont eu l’impression de se sentir marginalisés en tant que psychanalystes. Ils ont vécu, selon eux-mêmes, des moments d’enfer, d’exclusion totale. Deuxième fait : ce qu’on peut appeler les jeunes analystes, qui ont entre
45 et 55 ans, ont du mal en général à trouver des analysants. Ni le premier fait ni le second ne justifient quelque chose mais c’est ainsi.
Il faut noter que la résistance contre la législation de la psychothérapie a été minime. Le besoin d’une protection imaginaire pour les psychanalystes est frappant. Que tous les psychanalystes (9 sur 10 sont kleiniens) partagent la position officielle de la société psychanalytique suédoise ne me semble pas évident. Mais ils sont restés silencieux jusqu’à maintenant. Il faut aussi dire qu’il y a une déception profonde quant à ce que les psychanalystes ont écrit et ce que leur pratique a apporté. Les psychanalystes n’ont pas trouvé non plus une place significative à l’université.
La tendance dominante actuelle en Suède, c’est le cognitivisme et la classification psychiatrique américaine DMS- 4. Les étudiants en psychologie et médecine choisissent pour la majorité cette voie dans l’espoir que leur carrière de clinicien et de chercheur en sera facilitée.
Cela n’empêche pas qu’il existe aujourd’hui en Suède une revue de psychanalyse qui est soutenue financièrement et symboliquement à la fois par l’Etat suédois et par l’Ambassade de France. Dans cette revue, la pensée francaise comme celle de Michel Foucault, Gilles Deleuze, Louis Althusser et Jacques Lacan , y est retransmise.
Je vous remercie de votre attention.